Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog politique de michelle meyer
Derniers commentaires
Archives
le blog politique de michelle meyer
15 octobre 2008

REGARDS SUR LES BANLIEUES

La violence des jeunes n’est pas un phénomène nouveau, elle existe depuis plus de 25 ans, sauf que la presse n’en faisait pas ses choux gras. Nombre d’articles cherchaient à comprendre plutôt qu’à condamner. Dans les deux grands quotidiens d’alsace, il y eut des articles de fond sur les banlieues démunies, le cadre de vie où la flaque d’eau devient pataugeoire, le manque de loisirs sur place et l’imagination des jeunes inventant quelques réjouissances festives.

J’écrivais moi-même pour le compte du journal "L’Alsace" et j’ai donné le coup d’envoi de tels reportages le 6.11.1973 par une enquête auprès des jeunes mis en marge, titrée « Ces jeunes que trop souvent l’on ignore ». A l’époque, des gens dans la rue ou dans des lieux publics venaient me serrer la main pour avoir eu le courage d’aborder le problème (sic). Pourquoi, plus de vingt ans après, ces jeunes sont mis à l’index au lieu d’analyser les causes et d’exiger des mesures pertinentes pour leur mieux-vivre ?

Amplifier le fait divers n’est pas anodin, c’est créer un climat d’insécurité qui fait le lit du Front National et d’une manière plus générale de la pensée réactionnaire considérée comme seule crédible et fait ployer l’échine d’un trop grand nombre. C’est mettre au ban de la société des catégories de jeunes. Ce n’est pas par la punition sévère et plus de police (détestée dans les banlieues dites difficiles) que la révolte des jeunes s’apaisera. La répression est la réponse d’un système qui a perdu les repères de liberté, Egalité, Fraternité. Nous avons un corps de police dépendant de l’armée ; quand la police et l’armée se confondent, la démocratie est en péril. Une armée de l’Intérieur est destinée à tirer sur des civils, c’est prévoir -sans problème d’état d’âme- un affrontement civil, voire une guerre civile.

Dans un article du 20 août 1982 de "L’Alsace", il est dit : «La répression n’arrête en rien la délinquance mais engendre au contraire un climat de peur, de suspicion et entraîne l’ensemble de la société dans une spirale de violence. »

Dans le même article, il est aussi écrit que « concentrer voire parquer des êtres humains dans des tours où l’on entend chaque bruit dans l’appartement voisin, où de nombreux enfants se retrouvent dans les cages d’escalier parce que c’est trop petit chez eux, qu’il n’y a qu’un tout petit espace vert au bas de l’immeuble, que les équipements sportifs ou socioculturels sont éloignés et insuffisants, comment s’étonner dans un tel contexte de la montée de l’agressivité, des tensions entre voisins, entre jeunes et vieux... » Le virage de l’analyse s’est fait après 1985. Désormais, on accuse, on réprime, on exige toujours plus de répression. Et le résultat est bien la spirale de la violence.

Il y eut dans le passé des forums pour savoir ce que les jeunes attendaient. Les jeunes refusent les loisirs culturels et sportifs institutionnalisés, ils veulent gérer leur temps libre en disposant d’un lieu de rencontre et d’un espace de plein air pour les exercices sportifs dont le foot. Or cela leur a été refusé.

 Dans les "Dernières Nouvelles d’Alsace", le journaliste Daniel Walther relate le procès pour l’incendie d’un gymnase à Mulhouse. Pourquoi cet incendie ? Et le journaliste d’écrire, « la réponse de l’incendiaire peut surprendre, il s’agissait de faire pression sur le maire afin d’obtenir pour les jeunes du quartier l’attribution d’un local ». La justice s’est prononcée pour 18 mois de prison dont 14 avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans. Les éducateurs de rues sont contraints à errer dans des secteurs pour contrôler en quelque sorte les jeunes. J’ai suivi les efforts d’un éducateur pour conserver un Mille Club pour les jeunes et je le raconte dans mon roman inspiré par des faits réels "Fantasia dans la ville",éd.Prospective 21 chez Michelle Meyer 28 rue Salluste 67200 Strasbourg. Prix à la commande :13€, franco de port. Il est bien plus facile d’emboîter le pas à l’appel sécuritaire et de mettre ainsi la démocratie en péril en toute inconscience que d’analyser les causes et d’apporter les solutions qui dépendront d’une volonté politique agissante au plan local. Tout citoyen a un pouvoir direct d’action de proximité pour obtenir une politique qui répond à l’attente des jeunes et pour les conscientiser à la vie en collectivité.

En 1985, un dossier sur la SACM, société industrielle en liquidation sur Mulhouse et qui fut un vivier de l’emploi, une grande photo montre une femme avec une pancarte où il est écrit « Jeunes, quel avenir en Alsace ? » Plus d’emploi pour les parents, pas davantage pour les jeunes qui n’ont droit à une allocation (RMI) qu’à partir de 25 ans même s’ils ont un diplôme professionnel en poche.

Certes, l’école est le lieu privilégié pour éveiller le sens moral, civique des jeunes. Dans les quartiers défavorisés, ce sont des pédagogues ayant une autorité immanente qui sont nécessaires. Les jeunes en difficulté reconnaissent l’autorité du chef, ce ne sont pas des révolutionnaires mais des révoltés. Et ce sont davantage les circonstances qui vont être l’occasion d’insuffler un comportement responsable, le cours moralisateur sera sans effet.

L’enfance en difficulté mûrit plus vite car elle se frotte aux dures réalités du quotidien, elle est habituée au système débrouille, pas toujours licite. Alors professeur dans un lycée industriel, j’arrive avec quelque retard dans une section de fonderie. Je remercie les élèves de m’avoir attendue en silence (j’avais informé la direction de mon retard) et je précise que j’ai eu une panne de voiture. « Qu’avez-vous fait ?», me demande un élève. « J’ai appelé un garagiste » est ma réponse. Exclamation de ma classe, « Mais on vous l’aurait réparée ! » « En prenant la pièce défectueuse sur une voiture appartenant à un autre travailleur ? » ai-je répondu. Grand silence, je les sens réfléchir pesamment, ils n’avaient jamais abordé la question sous cet angle-là. J’aurais bien d’autres exemples à citer tant pour éloigner d’eux le racisme que de renoncer à une vengeance contre une personne qui les avait traités de c... L’argument qu’elle avait charge de jeunes enfants les a fait abandonner leur projet. Le mot grossier émis par un(e) supérieur(e) est toujours mal ressenti. Chaque être humain a le sens de sa dignité et il est normal qu’il se rebiffe face à l’insulte. Mais juguler des réactions agressives n’empêchera pas les jeunes de vivre intensément leur exclusion d’une société de marché.

Pour conclure, chacun voudrait que la violence cesse mais ce n'est pas la propagande actuelle. qui modifiera la situation. Ce n’est pas d’hier que les jeunes dont elle parle sont dans une situation d’exclusion ; nous avons affaire à une deuxième génération d’exclus. Ceux qui avaient 20 ans en 1975 ont désormais la quarantaine. Exclus en 1975, ils ont engendré de nouveaux exclus, et c’est à l’encontre de ses parents-là qu’il faudrait user de sanctions pour qu’ils deviennent de bons éducateurs ! Il est vrai que le Gouvernement a avancé de telles mesures. La responsabilité du politique est grande. Rien n’a été fait avec la droite mais le mitterrandisme n’a pas non plus été agissant, il a conforté la société duale. La soupape de sécurité consiste par les stratèges du conservatisme social à faire reluire les gains des jeux de hasard ou à hisser au rang de vedette un rappeur banlieusard. Les autres exclus sont coupables d’un manque de chance !

Le problème des jeunes des quartiers défavorisés ne pourra pas être évacué par la peinture, la sculpture, l’écriture... Si certains animateurs réussissent à canaliser des jeunes en difficulté de vie dans ces types d’activités et obtiennent, tant qu’à faire, les flashes de la télévision, les jeunes auront eu leur récréation d’un moment. Mais l’emploi n’est pas pour autant acquis. Sans revenu, il n’est pas possible de vivre décemment dans une société de consommation et la révolte ne sera pas éteinte, elle peut même être ravivée par l’amertume. 

Publicité
Commentaires
le blog politique de michelle meyer
Publicité
Publicité