L'APRES-CAPITALISME : le poétique l'emporte sur le prosaïsme
Lier
relier et relayer tous les événements qui se trouvaient atomisés pour faire
apparaître un monde en construction.
La souffrance réelle du plus grand nombre,
confrontée à un délire de concentrations économiques, d’ententes et de profits,
rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimées mais bien réelles, chez les
jeunes et moins jeunes, et tous les oubliés de nos sociétés. La plupart de ceux
qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on
peut saisir l’impossible au collet et détruire le trône de la fatalité.
GRÈVE LÉGITIME du 19 mars 2009
Cette
grève est plus que légitime, et plus que bienfaisante, et ceux qui défaillent,
temporisent, tergiversent, se condamnent d’eux-mêmes.
Dès
lors, derrière le prosaïque du "pouvoir d’achat" ou du "panier
de la ménagère", se profile l’essentiel qui nous manque et qui donne du
sens à l’existence, à savoir : le poétique. Toute vie humaine un peu
équilibrée s’articule entre, d’un côté, les nécessités immédiates du
boire-survivre-manger (en clair : le prosaïque) et, de l’autre,
l’aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité,
d’honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de
philosophie, de spiritualité, d’amour, de temps libre affecté à
l’accomplissement du grand désir intime (en clair : le poétique). Le
vivre-pour-vivre, tout comme le vivre-pour-soi n’ouvrent à aucune plénitude
s’il n’y a pas le donner-à-vivre à ce que nous aimons, à ceux que nous aimons,
aux impossibles et aux dépassements auxquels nous aspirons.
La
"hausse des prix" ou "la vie chère" ne sont pas de petits
diables surgis devant nous pendant un cauchemar. Ce sont les résultantes d’un système
où règne le dogme du libéralisme économique. Ce dernier s’est emparé de la
planète, il pèse sur la totalité des peuples, et il préside dans tous les imaginaires,
à une sorte "d’épuration éthique". C’est-à-dire :
désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même de tout
le fait humain.
Ce
système confine nos existences dans des individualismes égoïstes qui nous
suppriment tout horizon et nous condamnent à deux misères profondes : être
"consommateur" ou bien être "producteur".
Le
consommateur ne travaille que pour consommer ce que produit sa force de travail
devenue marchandise ; et le producteur réduit sa production à l’unique
perspective de profits sans limites pour des consommations fantasmées sans
limites. L’ensemble ouvre à cette socialisation anti-sociale où l’économique
devient ainsi sa propre finalité et déserte tout le reste.
Alors,
quand le "prosaïque" n’ouvre pas aux élévations du " poétique
", quand il devient sa propre finalité et se consume ainsi, nous avons
tendance à croire que les aspirations de notre vie, et son besoin de sens,
peuvent se loger dans ces codes-barres que sont "le pouvoir d’achat"
ou "le panier de la ménagère".
Et
pire : nous finissons par penser que la gestion vertueuse des misères les
plus intolérables relève d’une politique humaine ou progressiste ainsi le
Téléthon, les restaurants du coeur. Il est donc urgent d’escorter les
"produits de premières nécessités", d’une autre catégorie de facteurs
qui relèvent résolument d’une "haute nécessité". Par cette idée de
"haute nécessité", nous appelons à prendre conscience du poétique
déjà en œuvre dans un mouvement populaire qui, au-delà du pouvoir d’achat,
relève d’une exigence existentielle réelle, d’un appel très profond au plus
noble de la vie.
Les
"produits" de haute nécessité, ce sont ceux qui nous permettent d’entrer
en dignité sur la grande scène du monde. Toute avancée sociale ne se réalise
vraiment que dans une expérience politique qui tire les leçons structurantes de
ce qui s’est passé. Ce mouvement a mis en exergue le tragique centralisme
institutionnel de notre pays et l’absence de pouvoir citoyen qui lui sert
d’ossature. La compétence n’arrive que par des émissaires venus de la capitale.
La désinvolture et le mépris rôdent à tous les étages.
L’éloignement,
l’aveuglement et la déformation président aux analyses. L’imbroglio des pseudos
pouvoirs Région-Département-Préfet, tout comme cette chose qu’est l’association
des communes, ont montré leur impuissance, même leur effondrement, quand une
revendication massive et sérieuse surgit avec son entité culturelle historique
identitaire humaine, distincte de celle de l’Etat centralisateur, monarchie
élective avec les stigmates du pouvoir absolu au service du grand capital.
Les
slogans et les demandes ont tout de suite sauté par-dessus nos "élus
locaux" pour s’en aller mander ailleurs. Hélas, il n’y a pas de victoire
sociale qui s’obtient ainsi, nous ne faisons que plier l’échine sous le poids
d’un Etat centralisateur au seul service de la bourgeoisie du capital.