AVEC LA CRISE, REFLEXIONS SUR L'APRES-CAPITALISME
Le
mouvement anti OTAN d’avril 2009 Il se doit de fleurir en vision politique,
laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de
projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par
nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes. Et même si un tel
pouvoir ne résoudrait vraiment aucun des problèmes, il nous permettrait à tout
le moins de les aborder désormais en saine responsabilité, et donc de les
traiter enfin plutôt que d’acquiescer aux sous-traitances.
Les
ghettos, qui germent ici où là, est une petite question qu’une responsabilité
politique endogène peut régler. Celle de la protection de nos terres contre de
grands travaux, des implantations nucléaires, des pollutions industrielles…
aussi. Celle de l’accueil préférentiel de nos jeunes tout autant. Celle d’une
autre Justice ou de la lutte contre les fléaux de la drogue en relève
largement...
Le
déficit en responsabilité crée amertume, xénophobie, crainte de l’autre,
confiance réduite en soi... La question de la responsabilité est donc de haute
nécessité. C’est dans l’irresponsabilité collective que se nichent les blocages
persistants dans les négociations actuelles. Et c’est dans la responsabilité
que se trouve l’invention, la souplesse, la créativité, la nécessité de trouver
des solutions endogènes praticables. C’est dans la responsabilité que l’échec
ou l’impuissance devient un lieu d’expérience véritable et de maturation. C’est
en responsabilité que l’on tend plus rapidement et plus positivement vers ce
qui relève de l’essentiel, tant dans les luttes que dans les aspirations ou
dans les analyses.
Ensuite,
il y a la haute nécessité de comprendre que le labyrinthe obscur et indémêlable
des prix (marges, sous-marges, commissions occultes et profits indécents) est
inscrit dans une logique de système libéral marchand, lequel s’est étendu à
l’ensemble de la planète avec la force aveugle d’une religion. Ils sont aussi
enchâssés dans une absurdité capitalistique mondial qui nous a détournés de
notre manger-pays, de notre environnement proche et de nos réalités culturelles,
pour nous livrer aux modes décidées par la grande distribution. C’est comme si
la France avait été formatée pour importer toute son alimentation et ses
produits de grande nécessité depuis des milliers et des milliers de kilomètres.
Négocier dans ce cadre absurde avec l’insondable chaîne des opérateurs et des
intermédiaires peut certes améliorer quelque souffrance dans l’immédiat ;
mais l’illusoire bienfaisance de ces accords sera vite balayée par le principe
du "Marché" et par tous ces mécanismes que créent un nuage de voracités,
(donc de profits nourries par " l’esprit de marché " et régulées par
la distance) que les primes, gels, aménagements vertueux, réductions
opportunistes ne sauraient endiguer.
VICTIMES
D’UN SYSTÈME FLOU, GLOBALISÉ
Il y a
donc une haute nécessité à nous vivre régionnalistes dans nos imports-exports
vitaux, à nous penser européen pour la satisfaction de nos nécessités, de notre
autosuffisance énergétique et alimentaire. L’autre très haute nécessité est
ensuite de s’inscrire dans une contestation radicale du capitalisme
contemporain qui n’est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d’un
dogme. La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d’une
société non économique, où l’idée de développement à croissance continuelle
serait écartée au profit de celle d’épanouissement ; emploi, salaire,
consommation et production seront des lieux de création de soi et de
parachèvement de l’humain. Si le capitalisme (dans son principe très pur qui
est la forme contemporaine) a créé ce Frankenstein consommateur qui se réduit à
son panier de nécessités, il engendre aussi de bien lamentables
"producteurs" – chefs d’entreprises, entrepreneurs, et autres
socioprofessionnels ineptes – incapables de tressaillements en face d’un
sursaut de souffrance et de l’impérieuse nécessité d’un autre imaginaire
politique, économique, social et culturel. Et là, il n’existe pas de camps
différents. Nous sommes tous victimes d’un système flou, globalisé, qu’il nous
faut affronter ensemble. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et
producteurs, portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible,
cette haute nécessité qu’il nous faut réveiller, à savoir : vivre la vie,
et sa propre vie, dans l’élévation constante vers le plus noble et le plus
exigeant, et donc vers le plus épanouissant. Ce qui revient à vivre sa vie, et
la vie, dans toute l’ampleur du poétique.
On
peut mettre la grande distribution à genoux en mangeant sain et autrement.
On
peut renvoyer les compagnies pétrolières aux oubliettes, en rompant avec le
tout automobile.
On
peut endiguer les agences de l’eau, leurs prix exorbitants, en considérant la
moindre goutte sans attendre comme une denrée précieuse, à protéger partout, à
utiliser comme on le ferait des derniers vestiges d’un trésor qui appartient à
tous.
On ne
peut vaincre ni dépasser le prosaïque en demeurant dans la caverne du
prosaïque, il faut ouvrir en poétique, en décroissance et en sobriété. Rien de
ces institutions si arrogantes et puissantes aujourd’hui (banques, firmes
transnationales, grandes surfaces, entrepreneurs de santé, téléphonie
mobile...) ne sauraient ni ne pourraient y résister.
Enfin,
sur la question des salaires et de l’emploi. Là aussi il nous faut déterminer
la haute nécessité. Le capitalisme contemporain réduit la part salariale à
mesure qu’il augmente sa production et ses profits. Le chômage est une conséquence
directe de la diminution de son besoin de main d’œuvre. Quand il délocalise, ce
n’est pas dans la recherche d’une main d’œuvre abondante, mais dans le souci
d’un effondrement plus accéléré de la part salariale. Toute déflation salariale
dégage des profits qui vont de suite au grand jeu casino de la finance.
Réclamer une augmentation de salaire conséquente n’est donc en rien
illégitime : c’est le début d’une équité qui doit se faire mondiale.
Quant
à l’idée du "plein emploi", elle nous a été clouée dans l’imaginaire
par les nécessités du développement industriel et les épurations éthiques qui
l’ont accompagnée. Le travail à l’origine était inscrit dans un système
symbolique et sacré (d’ordre politique, culturel, personnel) qui en déterminait
les ampleurs et le sens. Sous la régie capitaliste, il a perdu son sens
créateur et sa vertu épanouissante à mesure qu’il devenait, au détriment de
tout le reste, tout à la fois un simple "emploi", et l’unique colonne
vertébrale de nos semaines et de nos jours. Le travail a achevé de perdre toute
signifiance quand, devenu lui-même une simple marchandise, il s’est mis à
n’ouvrir qu’à la consommation.
Nous
sommes maintenant au fond du gouffre. Il nous faut donc réinstaller le travail
au sein du poétique. Même acharné, même pénible, qu’il redevienne un lieu
d’accomplissement, d’invention sociale et de construction de soi, ou alors
qu’il en soit un outil secondaire parmi d’autres. Il y a des myriades de
compétences, de talents, de créativités, de folies bienfaisantes, qui se
trouvent en ce moment stérilisés dans les couloirs ANPE et les camps sans
barbelés du chômage structurel né du capitalisme. Même quand nous nous serons
débarrassés du dogme marchand, les avancées technologiques (vouées à la
sobriété et à la décroissance sélective) nous aiderons à transformer la
valeur-travail en une sorte d’arc-en-ciel, allant du simple outil accessoire
jusqu’à l’équation d’une activité à haute incandescence créatrice. Le plein
emploi ne sera pas du prosaïque productiviste, mais il s’envisagera dans ce
qu’il peut créer en socialisation, en autoproduction, en temps libre, en temps
mort, en ce qu’il pourra permettre de solidarités, de partages, de soutiens aux
plus démantelés, de revitalisations écologiques de notre environnement... Il s’envisagera
en "tout ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue". Il y
aura du travail et des revenus de citoyenneté dans ce qui stimule, qui aide à
rêver, qui mène à méditer ou qui ouvre aux délices de l’ennui, qui installe en
musique, qui oriente en randonnée dans le pays des livres, des arts, du chant,
de la philosophie, de l’étude ou de la consommation de haute nécessité qui ouvre
à création, à la créaconsommation. En valeur poétique, il n’existe ni chômage
ni plein emploi ni assistanat, mais autorégénération et autoréorganisation,
mais du possible à l’infini pour tous les talents, toutes les aspirations. En
valeur poétique, le PIB des sociétés économiques révèle sa brutalité.
Voici
ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à
leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce
qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l’imaginaire, une
stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous. Que ce
principe balise les chemins vers le livre, les contes, le théâtre, la musique,
la danse, les arts visuels, l’artisanat, la culture et l’agriculture... Qu’il
soit inscrit au porche des maternelles, des écoles, des lycées et collèges, des
universités et de tous les lieux de connaissance et de formation... Qu’il ouvre
à des usages créateurs des technologies neuves et du cyberespace. Qu’il
favorise tout ce qui permet d’entrer en Relation (rencontres, contacts,
coopérations, interactions, errances qui orientent) avec les virtualités
imprévisibles du Tout-Monde... C’est le gratuit en son principe qui permettra
aux politiques sociales et culturelles publiques de déterminer l’ampleur des
exceptions. C’est à partir de ce principe que nous devrons imaginer des
échelles non marchandes allant du totalement gratuit à la participation réduite
ou symbolique, du financement public au financement individuel et volontaire...
C’est le gratuit en son principe qui devrait s’installer aux fondements de nos
sociétés neuves et de nos solidarités imaginantes...
NOUS
APPELONS À UNE HAUTE POLITIQUE, À UN ART POLITIQUE
Projetons
nos imaginaires dans ces hautes nécessités jusqu’à ce que la force du bien du
vivre-ensemble, ne soit plus un "panier de ménagère", mais le souci
démultiplié d’une plénitude de l’idée de l’humain.
Imaginons
ensemble un cadre politique de responsabilité pleine, dans des sociétés
alsacienne, bretonne, occitane, catalane, basque, corse… prenant leur part
souveraine aux luttes planétaires contre le capitalisme et pour un monde
écologiquement nouveau.
Profitons
de cette conscience ouverte, à vif, pour que les négociations se nourrissent,
prolongent et s’ouvrent comme une floraison dans une audience totale, sur ces
nations qui sont les nôtres.
Nous
appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion
des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du
"Marché", mais où il retrouverait son essence au service de tout ce
qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l’instrumentalisant de
la manière la plus étroite.
Nous
appelons à une haute politique, à un art politique, qui installe l’individu, sa
relation à l’Autre, au centre d’un projet commun où règne ce que la vie a de
plus exigeant, de plus intense et de plus éclatant, et donc de plus sensible à
la beauté.
En
nous débarrassant des archaïsmes centralisateur, de la dépendance et de
l’assistanat, en nous inscrivant résolument dans l’épanouissement écologique de
nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le
système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du
post-capitalisme et d’un rapport écologique global aux équilibres de la
planète...
Alsace,
petite région, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immense d’être le
premier exemple de société post-capitaliste, capable de mettre en œuvre un
épanouissement humain qui s’inscrit dans l’horizontale plénitude du vivant...