Réflexions sur les déficits : quelques chiffres
source : articles de Bernard Liger de l’UFAL
Le budget de l’Etat estimé à fin 2009. Les informations
disponibles au ministère des finances indiquent que le budget de l’Etat, du 31
juillet 2008 au 31 juillet 2009 a été de 215 Md€. On peut extrapoler une valeur
au 31 décembre 2009, de l’ordre de 360 Md€. Dans le plan pluriannuel arrêté par
le gouvernement pour la période 2009-2011, le montant des dépenses 2009 était
de 347Md€.
Le déficit du budget de l’Etat, Déficit de la Sécurité Sociale compris,
estimé à fin 2009. Le déficit du budget de l’Etat, pour la période du
31 juillet 2007 au 31 juillet 2008, a été de 51 Md€. Un an plus tard, il était
de 109 Md€. On peut extrapoler, au 31 décembre 2009, une valeur de 140 Md€,
soit un peu plus de 8% du PIB, selon la déclaration à la presse de François
Fillon le 26 septembre 2009. Monsieur Woerth, ministre du budget, avait annoncé
130 Md€ quelques jours plus tôt dans une déclaration reprise par « Le
Monde » du 24 septembre 2009. Quel sera-t-il réellement ? Et le
projet de loi de finances pour 2010 prévoit un déficit budgétaire de
110Md€ !
Le cumul des déficits de l’Etat à la même date. Le déficit cumulé
à fin 2008 était de l’ordre de 1300Md€. Il est estimé à au moins 1400Md à fin
2009, (« Le Monde » du 24 septembre 2009). Eléments de comparaison:
Le déficit cumulé des USA au cours des dix dernières années a été de l’ordre de
9000Md€. Le déficit du commerce extérieur français du 31/07/2008 au 31/07/2009
a été de 50Md€.
Le budget de la Sécurité Sociale : Les chiffres
concernant ce point et les deux suivants proviennent des deux documents, la loi
de finances 2007-1786 du 19 décembre 2007 et la loi de financement de la
Sécurité Sociale 2008 intégrant des prévisions pour 2009. Le total des
dépenses, tous régimes, toutes branches était de 422Md€ pour 2008. prévu 437Md€
pour 2009.
Le total des dépenses, régime général seulement, était de
311Md€ pour 2008. Il était prévu 323Md€ pour 2009.
Le total des dépenses, branche maladie du régime général,
était de 152Md€ pour 2008. Il était prévu 162Md€ pour 2009.
Le déficit de la Sécurité Sociale, toutes branches (maladie,
retraite, allocations familiales), tous régimes (général, indépendants,
paysans...), était de 9,1Md€ pour 2008. On prévoyait 9Md€ pour 2009. Le déficit
annuel était avant la crise, sur la voie de la décroissance, 12,6Md€ en 2003
puis légèrement supérieur, 14 Md€ en 2004 et 2005.
Le déficit de la branche maladie du Régime Général, était de
4,6 Md€ pour 2008. On avait prévu 4,2 Md€ pour 2009. Compte tenu du
surgissement de la crise et de la réduction des recettes qui en résulte, on
estime maintenant que le déficit, toutes branches, tous régimes, pour 2009,
serait plutôt de l’ordre de 20Md€ et celui du Régime Général de 10Md€. Pour
2010, il pourrait atteindre 30Md€.
Les déficits cumulés de la Sécurité Sociale: Les déficits
annuels de la Sécurité Sociale sont portés au Compte d'une caisse créée pour gérer
la dette sociale (CADES). L'examen de ses comptes à fin décembre 2008 met en
évidence une dette de 80070Md€. Cette caisse est alimentée par la CRDS qui a
rapporté, en 2008, 6059Md€ dont 3403 ont servi à payer l'intérêt de la dette,
c'est à dire l'intérêt desdes emprunts couverts pour amortir la dette. Si on
ajoute, pour 2009, un supplément de dette de 20Md€ environ, on peut considérer
que la dette cumulée, à fin 2009, serait de l'ordre de 100Md€.
On remarquera que, à fin 2009,
- le rapport des
budgets Sécurité Sociale/Etat serait de l'ordre de 1,26. le
budget de la Sécurité Sociale est supérieur à celui de l'Etat.
- le rapport des
dettes Sécurité Sociale/Etat serait de l'ordre de 0,14. Les
dettes de la Sécurité Sociale sont sept fois inférieures aux dettes de
l'Etat.
- le rapport des
dettes cumulées Sécurité Sociale/Etat serait de l'ordre de 0,07.
Les dettes cumulées de l'Etat sont très supérieures à celles de la
Sécurité Sociale.
Les mécanismes de financement de la Sécurité Sociale, un modèle en
évolution.
La Sécurité Sociale a été créée sur la base des idées de lord Beveridge
reprises, à la Libération, par le Conseil National de la Résistance. Denis
Kessler, ex numéro 2 du MEDEF déclarait en 2008: » Adieu 1945.
Raccrochons notre pays au monde. Le modèle français est le pur produit du
Conseil National de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et
communistes. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s'y
emploie ».
A l'origine et jusqu'en 1980, les cotisations, salariés et employeurs,
représentaient 97% des ressources. En 2000, Elles ne représentaient plus que
67% en 2000 et 59% en 2006.
A l'origine, la cotisation concrétisait un droit à protection sociale dans un système en équilibre, par définition. A tout droit nouveau devait correspondre une ressource nouvelle sous forme d'augmentation de cotisations, lesquelles alourdissaient les charges salariales au détriment des coûts de production. En 1991, la création de la CGS par le gouvernement Rocard palliait une partie de cet effet contre-productif en fiscalisant, de fait, une partie des cotisations. Par la suite, les divers gouvernements, de droite et de gauche, allaient utiliser les réductions et exonérations de charges sociales pour améliorer la compétitivité des entreprises et, donc, limiter l'extension du chômage. On allait progressivement constater que l'Etat privait d'une partie de ses ressources traditionnelles la Sécurité Sociales et s'efforçait de compenser cette perte de ressources par l'attribution de ressources fiscales. A fin 2007, les ressources apportées par l’Etat s'élevaient à 25110 Md€ mais 2692Md€ d'exonérations restaient non compensées.
D'où un creusement systématique du déficit par un Etat qui détournait la
Sécurité Sociale de ses objectifs traditionnels pour s'en servir comme outil
d'animation de la vie économique. D'où la disparition de fait de la
cloison étanche qui sépara pendant 35 ans les finances de l'Etat de celles de
la Sécurité Sociale. D'où l'apparition de cet important déficit cumulé,
néanmoins faible par rapport à celui de l'Etat, que l'on impute maintenant au
système dit de répartition et aux assurés et dont on se sert pour justifier une
privatisation réputée inéluctable.
Comment se répartissent les coûts de la santé ? Si l'on en croit la loi de
financement de la SS pour 2008, les dépenses de santé étaient supportées, en
2006, pour 74%, par l'assurance maladie, pour 12,8% par les assurances
complémentaires (dont les Mutuelles), pour 6,79 par les ménages. Mais ce
pourcentage, apparemment peu élevé, ne tient pas compte des dépassements
anormaux d'honoraires ni des médicaments non remboursés, ni des appareillages
dentaires peu remboursés....Par ailleurs, si au lieu de s'exprimer en
pourcentage à la charge des ménages, on s'exprimait en euros, alors
l'augmentation des charges pesant sur les ménages est plus évidente car les
coûts augmentent rapidement en volume, même si les pourcentages paraissent
stables. Cette remarque illustre la façon dont les coûts de la santé sont
discrètement et progressivement reportés sur les assurés lorsqu'ils ont recours
aux médecins de ville ne relevant pas du secteur 1 ou aux cliniques privées.
Le rapport de la Cour des comptes montre que si dans les hôpitaux publics,
l’assuré supporte 1,9 % de la facture, il en supporte 5,54 % dans les cliniques
privées. Sans commentaire.
Quand on veut tuer son chien, dit le proverbe, on l'accuse d'avoir la rage.
C'est, d'après moi, la mécanique à l'oeuvre dans l'usage que font les libéraux
du déficit de la Sécurité Sociale. On passe sans commentaires sur la faiblesse
du déficit de l'assurance maladie. On oublie la façon dont les gouvernements
successifs, au cours de ces dernières années, ont privé la Sécurité Sociale
d'une partie de ses ressources, lesquelles ont subi, sur les cotisations
sociales, l'impact de la crise. Sachant par ailleurs, qu'une grande partie des
ressources proviennent de la fiscalité, on ne peut reprocher quoi que ce soit
au Régime Général et en tout cas pas son déficit. On est ramené aux débats sur
la limitation des impôts sur les hauts revenus, sur les réductions de
cotisations liées à la loi TEPA, sur l'exonération de cotisations dont
bénéficient les stocks-options dont il faut rappeler que la Cour des Comptes
les évaluait à 3Md€ par an. Sur 10 ans, ce seul manque à gagner est supérieur
au déficit total de la Sécurité Sociale.
On ne peut, pour comprendre les débats actuels sur le déficit de la Sécurité
Sociale, que se référer aux propos de Monsieur Kessler. Il faut en finir avec
ce système Gaullo-communiste, fondée sur la Solidarité. Nous sommes dans une
société libérale où la compétition et l'individualisme sont les nouveaux
maîtres mots. Le marché, et donc la libre concurrence, doit prendre en charge
l'évolution de la Sécurité Sociale. Voir à cet égard ce que deviennent les
charges laissées à l'assuré dans les cliniques privées? Voir la tendance à la
libéralisation progressive des tarifs tandis que les bases de remboursement
évoluent peu. Voir le passage de l'assurance maladie au secteur assurantiel,
chaque fois que le gouvernement limite les remboursements par l'assurance
maladie.
Au delà, la réflexion devrait porter sur la signification de ces déficits
énormes actuellement constatés. Les USA assoient, pour l'instant, leur
leadership sur des déficits beaucoup plus importants que les nôtres. Et cela ne
paraît gêner personne. Les banques ont largement profité du déficit. Elles ont
l'air de se bien porter. En fait le déficit enrichit ceux qui disposent
d'argent et peuvent acheter des bons du trésor par exemple. Il en ira de même
du prochain grand emprunt. Et ces acheteurs sont précisément ceux qui voient
leurs impôts limités ! Comment ne pas considérer de telles pratiques comme
complètement immorales ?