RETRAITES : sortir de l'enfumage
Par Bernard Teper
Vendredi 30 avril 2010
Nous avions déjà fourni des analyses en s’appuyant sur les travaux du Conseil d’orientation des retraites(COR) de 2001 et de septembre 2007. Pour les relire, il suffit d’aller sur le site de l’UFAL.
Le COR vient de sortir un nouveau rapport daté d’avril 2010 juste
avant les discussions du gouvernement reprenant les positions du MEDEF
avec le mouvement syndical. Il convenait donc d’analyser si ce rapport
validait ou invalidait les analyses précédentes dans la mesure ou entre
temps, nous avons vécu la crise de 2007-2008. Cette question est
d’autant plus cruciale que les médias, les néolibéraux et autres
sociaux-libéraux ont immédiatement, sans avoir lu le rapport
sérieusement, sonné le tocsin de la propagande de la fin du monde. On se
serait cru dans une période millénariste… Le pompon revient sans
conteste au journal Le Monde qui titrait sur le « trou de 2600 milliards
d’euros » qui va manquer aux régimes de retraites. Avec une propagande
millénariste de ce type, il faut donc que le bon peuple admette que la
contre-réforme est inéluctable et qu’il faut accepter un nouveau recul
des droits sociaux avec un zeste d’accord supplémentaire sur la
pénibilité ou sur une amélioration cosmétique des retraites des femmes.
Tout cela avec le cortège des arguments de mauvaise foi que nous avons
démonté dans les articles précédents dont la caricature est la suivante :
« On est obligé d’allonger la durée de cotisations et la durée légale
du départ à la retraite à cause de la démographie ». Nous avons donc
déjà demandé à ces Cassandre pourquoi une augmentation de 63% du nombre
de retraités sur une période de 40 ans qui voit doubler sa richesse avec
une croissance du PIB de 1,7% par an en moyenne pose problème ? En
fait, il ne réponde pas. Pire, il organise le black-out de nos analyses !
Alors, les pessimistes nous disent : oui, mais avec la crise, on a pas
eu 1,7% sur l’année dernière. Nous leur répondons d’abord que le chiffre
(faible) de 1,7% est un taux moyen sur 40ans. Et que même le COR 2010
formé par des économistes largement choisis par la droite néolibérale au
pouvoir estime que la dégradation des comptes retraite due à la crise
2007-2008 est d’environ 20 milliards d’euros soit 1 point de PIB (soit
moins de 10% des dividendes payés pour les actionnaires). Et on veut
nous culpabiliser ?
Que dit le COR 2010 sur les besoins nouveaux de financements annuels de
retraite en parts de PIB ?
Qu’en 2015, alors que le COR 2007 prévoyait un besoin de financement de
0,7 points de PIB, le COR 2010 prévoient un besoin de financement de 1,8
points de PIB dans le scénario A, 1,8 pour le scénario B et 1,9 pour le
scénario C.
Qu’en 2020, ces mêmes chiffres passent de 1% dans les calculs du COR
2007 à respectivement 1,7, 1,9 et 2,1.
Qu’en 2030, ces mêmes chiffres passent de 1,6% dans les calculs du COR
2007 à respectivement 1,9, 2,5 et 2,9
Qu’en 2040, ces mêmes chiffres passent de 1,8% dans les calculs du COR
2007 à respectivement 1,9, 2,8 et 3,2.
Qu’en 2050, ces mêmes chiffres passent de 1,7% dans les calculs du COR
2007 à respectivement 1,7, 2,6 et 3.
Rappelons quand même et toujours qu’un point de PIB (environ 20
milliards d’euros aujourd’hui), c’est moins de 10% du montant des
dividendes payés aux actionnaires par an.
Et donc que 3 points de PIB, c’est moins de 30% des dividendes payés aux
actionnaires !
Amputer ses « pauvres chéris » de 30% de leurs avoirs, est-ce si
terrifiant ?
A moins d’être dogmatique du genre de « l’immaculée conception » en
disant : notre dogme intangible est le suivant « les revenus des
spéculateurs ne doit pas baisser et donc les besoins de financement
calculés doivent conduire à baisser de nouveau le niveau des retraites
qui ont déjà baissé de 20 points depuis la contre-réforme de Philippe
Seguin en 1987 indexant les retraites sur les prix et non plus sur les
salaires (jamais remise en cause par les gouvernements de gauche
1988-1993), la contre-réforme Balladur de 1993 (passage des 10 meilleurs
années à 25 et des 37,5 années de cotisations à 40 pour le secteur
privé) et 1996 (baisse du point des complémentaires retraites) (jamais
remise en cause par le gouvernement de la gauche plurielle de Lionel
Jospin 1997-2002), les contre-réformes de 2003 (passage à 40 ans pour
fonctionnaires) et de 2008(idem pour les régimes spéciaux) (le « futur »
gouvernement de la « gauche unie » remettra-t-il en cause les 23 ans de
contre-réformes ?).
En fait, d’après nos calculs, nous pourrions régler l’ensemble du besoin
de financement de toute la protection sociale d’ici 2050 avec une
hausse modérée des cotisations sociales dites patronales ainsi qu’une
taxation de tous les revenus financiers et dans les entreprises d’une
taxation des profits non réinvestis dans l’investissement productif (à
hauteur de 67 % par exemple). Mais pour cela, il faut ne pas avoir peur
de dire que nous devons revenir sur tout ou partie des 9,3 Points de PIB
qui sont passés, dans la répartition des richesses, sur un quart de
siècle, des salaires et revenus du travail (directs et socialisés) vers
les profits pour alimenter la spéculation boursière, une des causes des
crises récentes !
Mais pour cela, il faut sortir de la confusion et de l’enfumage grâce
aux cycles des séances d’universités populaires tournés vers l’action (voir le triple
appel de l’UFAL) et de reprendre le chemin de la mobilisation
déterminée à front large. Et jamais l’un sans l’autre ! Marcher sur ses
deux jambes en sorte !
par Bernard Teper
Responsable du secteur Éducation populaire