Israël après l'attaque contre les humanitaires
Habituellement, le gouvernement israélien fait très attention à son
image. Ici, il est allé jusqu’à abattre des membres d’un convoi
humanitaire pour maintenir le blocus sur Gaza, déclenchant un tollé de
la communauté internationale. Israël a-t-il perdu la tête ?
Le
raid israélien n’a rien d’étonnant. Il ne s’agit pas d’une bavure. C’est
une action qui s’inscrit dans la logique de la politique israélienne.
Cette logique consiste à apporter, à tout problème, une solution
militaire. Depuis toujours, les gouvernements israéliens qui se sont
succédé n’ont connu que les rapports de force. Et même avant : en 1923,
le sioniste Jabotinsky écrivait que la seule manière d’imposer l’Etat
juif était d’écraser les Arabes.
Cela dit, on voit en effet que cette
stratégie ne fonctionne plus beaucoup aujourd’hui. Depuis quelques
années, le gouvernement israélien enchaîne des échecs : il n’est pas
parvenu à venir à bout du Hezbollah durant la guerre du Liban, ni du
Hamas durant celle de Gaza. L’armée israélienne ne parvient plus à
défendre complètement sa population et ses opérations se retournent
contre l’Etat.
Depuis plusieurs mois, on voit des signes
d’isolement israélien : incident diplomatique avec Joe Biden sur le gel
des colonies, remise en question du soutien US par le général Petraeus…
Israël est-il en train de perdre le soutien qui faisait sa force jusqu’à
maintenant ?
Oui, les signes d’isolement sont importants. Sur le
plan international, il y a eu le rapport Goldstone qui accuse Israël de
crimes contre l’humanité. Ce rapport a été adopté par une large
majorité des Nations Unies.
L’attaque de la flottille a également
provoqué une crise importante avec la Turquie. Et c’était un pays allié
d’Israël très important jusqu’à maintenant. Les deux Etats pratiquaient
notamment des manœuvres militaires communes. Aujourd’hui, ils sont au
bord de la rupture.
Ensuite, il y a également le soutien américain
qui montre des signes de délitement. Ca se voit à travers de petits
détails comme lors de la visite de Benjamin Netanyahu à la
Maison-Blanche : il n’y a pas eu de photo ou de déclaration commune et
Barack Obama a planté son homologue israélien pour aller manger avec sa
femme et ses filles. Mais ça se ressent surtout sur des éléments plus
importants comme cette remise en cause du soutien de Washington par le
général Petraeus. Ce dernier a clairement exprimé que le soutien des
Etats-Unis à Israël desservait les intérêts US au Proche-Orient.
Enfin,
en Union Européenne, on peut observer une certaine schizophrénie : d’un
côté on cherche à rehausser les relations avec Israël, de l’autre on
envisage de suspendre la coopération avec Tel-Aviv. Suite à l’attaque de
la flottille, pratiquement tous les gouvernements de l’UE ont convoqué
leur ambassadeur israélien et je doute que ce fut pour prendre le thé !
Par ailleurs, des grandes banques et des fonds souverains se
désinvestissent des colonies israéliennes. On voit donc de manière
générale des signes importants d’isolement israélien.
Interview de Dominique Vdal, spécialites du Moyen Orient
Quel
impact cette attaque du convoi humanitaire pourrait-elle avoir sur le
conflit israélo-palestinien ?
Tout d’abord, je pense que la
défense du blocus israélien sur Gaza va devenir intenable.
Officiellement, il est mené de manière très cynique car il viserait à
empêcher le Hamas de se fournir en armes. Mais cet aspect sécuritaire
n’est pas logique car le mouvement palestinien parvient tout de même à
s’approvisionner, notamment via les tunnels. Le véritable but du blocus
israélien est d’étouffer la population de Gaza pour qu’elle se retourne
contre le Hamas. C’est difficilement défendable et ça ne fonctionne pas.
Ensuite,
l’attaque de la flottille a provoqué des tensions extrêmes. Dorénavant,
Obama va être confronté à ses responsabilités et va devoir relancer
activement le processus de paix.
Justement, Israël ne
cherche-t-il pas à gagner du temps en provoquant une nouvelle crise ?
C’est
bien possible mais là encore, c’est une opération militaire qui va se
retourner contre le gouvernement israélien. Son isolement grandissant
entraîne une pression. Ca ne met pas Israël en situation avantageuse
pour négocier. Et les choses ne s’amélioreront pas tant que le
gouvernement persévèrera dans la politique de la force au lieu d’adopter
la force de la politique. Evidemment, la deuxième option implique de
pouvoir faire des concessions aux Palestiniens.